Shut up and drive - Eliott

Les vrais comprendront

Victoria laissa échapper un soupir de soulagement en se garant devant l'ambassade américaine. Le trafic à Londres était une catastrophe, entre les voitures, les camions, les carrioles ramenées de la campagne ou banlieue éloignée pour palier au manque d'essence, sans compter les bâtiments effondrés et les routes bloquées... Un cauchemar. Une fois de plus, elle était ravie qu'en plus de savoir piloter un avion - plusieurs à vrai dire, et des plus récents, du moins avant le début du conflit et Dieu savait qu'une guerre faisait progresser la technologie à une vitesse incroyable - elle ait apprit très jeune à conduire une voiture. Son père était assez féru de technologie et quand il s'agissait de faire des investissements pour améliorer la gestion de leur domaine de Conway, il était le premier à signer. Elle se rappelait assez facilement le premier tracteur, ainsi que les voitures qu'il avait déjà quand elle était enfant. Ils avaient gardé une des anciennes voitures de son père pour aller d'un bout à l'autre du domaine et c'était dans cette vieille chose que Victoria et Arthur avaient apprit à conduire. A 15 ans elle avait l'habitude de s'occuper de pas mal de choses à droite et à gauche pour son père et elle adorait s'échapper pour un après-midi, se rendre au bord des falaises, pendant les vacances d'été. C'était le seul moment où elle conduisait elle-même car quand elle rendait visite à sa mère à Londres elle passait bien plus de temps sur la banquette. Mais cela lui servait.

La guerre lui faisait encore une fois repousser ses limites. Dans son uniforme, elle servait de parfait petit chauffeur à Armstrong, l'attaché américain. Elle savait bien pourquoi elle avait été choisit: premièrement, elle ne risquait plus de faire de crise de panique à la radio pendant les gardes de jour - ce qui ne pouvait plus arriver puisque Karol était de nouveau clouer au sol, à son plus grand plaisir - et deuxièmement, en tant que jeune fille de bonne famille, elle avait l'éducation pour. Elle se doutait bien que c'était son beau-père qui avait tiré quelques ficelles. Sans doute essayait-il, à l'incitation de sa mère, de faire en sorte que Teddy soit jaloux et hâte un peu la préparation du mariage. A croire qu'ils ne les connaissaient ni l'un ni l'autre... Victoria ferma les yeux un instant pour laisser le stress s'échapper complètement. Bien qu'elle doive s'y remettre d'ici quelques minutes, elle appréciait le calme post conduite. Pas de vieille voiture, pas de camion, pas de jeep comme avec James quelques semaines plus tôt, mais une voiture de ville tout ce qu'il y avait de plus classique et comme il y en avait des milliers dans Londres. Se fondre dans la masse.  Et c'était plus confortable pour la bonne heure de trajet qui les attendait pour se rendre à Brands Hatch. Elle n'arrivait pas à croire qu'on lui faisait emmener Armstrong à un circuit automobile pour qu'il puisse s'amuser à faire des tours sur un circuit. L'ambassade n'aurait-elle pas pu le faire elle-même...?

Elle attendait, dans son uniforme de caporal tiré à quatre épingle, que le jeune homme ne se décide à sortir de l'ambassade. Le portier lui avait fait un petit signe de tête, il avait fini par la remettre. On ne pouvait pas dire qu'une jeune femme rousse en uniforme au volant d'une voiture s'oublie trop facilement. Elle avait coupé le moteur depuis quelques minutes quand le portier ouvrit la porte arrière pour y laisser monter son passager. Passager qui sembla l'ignorer complètement puisque quelques secondes plus tard se fut la porte passager avant qui s'ouvrit et Armstrong qui s'installa à son côté. Victoria lui jeta un petit coup d'oeil surprit.

-Vraiment? Est-ce bien réglementaire? demanda-t-elle en guise de "bonjour".

Elle n'attendit pas réellement la réponse pour démarrer et s'insérer dans la circulation londonienne. Il fallait qu'ils aient quitté la ville assez vite s'ils voulaient revenir avant la tombée de la nuit. Victoria était bien placée pour savoir qu'il n'y avait rien de pire que des phares de voiture pour attirer l'attention d'un avion ennemi par exemple.

-Brands Hatch? Est-ce que cela a un rapport avec la voiture que vous avez fait venir d'Amérique? Le taquina-t-elle un peu.

Cette histoire avait fait le tour de la bonne société et de certains milieux dont Victoria faisait parti. Là d'où elle venait, cela paraissait si extravagant, si... trop. Mais encore une fois, Eliott Armstrong était américain, à quoi d'autre fallait-il s'attendre?

-Du moment que je vous ramène en un seul morceau, monsieur, le reste vous regarde.

Elle comprenait cette passion pour le pilotage et les sensations fortes, même si elle préférait les siennes dix mille pieds plus haut. Question de goût, me direz-vous.