CONFIDENTIEL
Dossier militaire du colonel Hammond, classifié de 1934 a … [JAMAIS DECLASSIFIER]
Rapport d’état des archives, 1961 : Pièces abimées par l’humidité de la salle de stockage. Pièces manquantes détruites par les eaux.
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Extrait de naissance :
Né Denys Mark Hammond, le 18 septembre 1905 à 18h43 à Glasgow.
Sexe : Masculin
Père : Mark Braden Hammond, pasteur à St Silas Mère : Louisa Jean Hammond, née Striffelant, femme au foyer
Domiciliés 69 Park Rd, Glasgow
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Extrait du dossier militaire du révérend major Hammond, enrôlé de 1915 à 1918
Le révérend major Hammond oublie que nous sommes en temps de guerre. Les principes prônés par l’Eglise Anglicane en la personne de Monseigneur l'archevêque de Canterbury, de pardon de la prise de vies de nos ennemis allemands, ne semble pas avoir trouvé écho chez Hammond qui semble préférer confesser et donner l'extrême onction a l’ennemi de la même manière qu'à nos soldats. Si la majorité du bataillon désapprouve, ce comportement semble tout de même trouver quelque écho chez nos hommes qui souhaiteraient, si la situation était inversée, qu’il en fut fait autant pour eux. Je demande donc à l'état major, sinon une honorable dispense pour le reverend major, tout du moins un rappel à l'arrière, loin des tranches, ou son attitude ne fait que perturber les hommes.
Lieutenant Colonel Reeves.
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Rapport top secret du M.I.6
Octobre 1935, Innsbrück, Autriche
Comme indiqué, j’ai suivi pendant plusieurs mois le sujet, et j’ai pu parvenir à retrouver plusieurs informations à son sujet. Universitaire sans histoire, il est Ecossais, fils de pasteur. Ces individus bien pensant ont été une plaie pendant la guerre. D’après les recherches effectuées au ministère de la guerre par nos services, le père du sujet était l’un de ces hommes prônant la paix et le pardon pendant la guerre. Il aurait eut quelques problèmes avec le clergé militaire pendant la Grande Guerre. Le sujet est assez difficile à cerner. Il est ici depuis quelques mois déjà et s’il se montre pro allemand dans ses sorties et au sein de l’université, il ne semble pas se rapprocher de groupes dangereux. Affaire à suivre, et prochain rapport bientôt.
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Télégramme de l’université de Saint Andrews au M.I.6, Décembre 1935
Très fiers d’Hammond. STOP. Brillant élément. STOP. Jamais de problèmes. STOP. Très intelligent. STOP. Pas opportuniste. STOP. Un peu ambitieux. STOP. Restons a votre disposition pour informations. STOP.
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Rapport top secret du M.I.6
Janvier 1936, Innsbrück, AutricheLe sujet, qu’il m’a été autorisé de nommer, Denys Hammond, est un homme plein de surprises. J’ai pu l’approcher quelque peu, me prétendant moi aussi universitaire, en échange pour le semestre. Il est apparenté au clan Stirling, par sa mère, et a été élevé dans les plus pures traditions écossaises. Il serait même allé à l’université de Stirling. Les rapports provenant de l’endroit seraient à suivre. Il est bien plus patriotique que ce que l’on pourrait croire d’un germanophile. Ses étudiants, eux, semblent l’adorer. Ses étudiantes surtout, bien qu’elles soient peu nombreuses. Une surtout, allemande en échange, de ce que j'ai compris, qui passe une éternité dans son bureau. On pourrait trouver cela étrange, un jeune assistant-professeur et son étudiante, cela pourrait entacher la moral de la cible qui ne mériterait pas de rejoindre notre prestigieuse institution, mais la porte du bureau reste toujours ouverte et les discussions ont l'air bien plus philosophique que romantiques. Il faut dire que le jeune homme est charmeur mais sans avoir l’air de s’en rendre compte. Le nom de la jeune femme m'a parut inutile à joindre au rapport, mais elle est juive, aucune chance qu'elle ne soit un obstacle à la mission qui m'amène ici. Cela pourrait servir notre cause, tout à chacun semble lui faire confiance. Il a rapidement été admis dans les milieux universitaires, sans que sa nationalité ne semble poser de souci, pas même auprès des plus farouches partisans d’Hitler ici, dans cette université Autrichienne. J’ai pu par moi-même constater le niveau d’Allemand d’Hammond, il est excellent, on pourrait presque le croire natif de cette région d’Autriche. Il est très pieu, héritage de son père, et très proche de sa mère, ce qui montre toujours les meilleurs côtés d’un homme. Si les étudiants les plus extrêmes, ceux du club fasciste de l’université, clamant leur appartenance à la race aryenne et le rapprochement de l’Allemagne, semblent le détester – mais qui ne détestent-ils pas ? – les autres paraissent beaucoup plus ouverts d’esprit et Hammond semble les influencer plus facilement. Il a après tout beaucoup moins d’écart avec eux que leurs vieux professeurs.
Hammond vit dans un petit logement universitaire dans une résidence à deux pas, chez une logeuse purement autrichienne. Aucune visite, ni de ses étudiants, ni d’amis quels qu’ils soient, pas plus que de jeunes femmes. Ce dernier point pour un jeune homme de son âge m’a interpellé, même les plus sains et les plus dédiés d’entre nous ont leurs faiblesses, aussi l’ai-je suivi en ville à plusieurs reprises, à différentes heures du jour et de la soirée – car il rentre rarement après neuf heure du soir, sauf lors d’événements liés à l’université ou lorsqu’il est invité à diner chez l’un des professeurs de l’université – et ses déplacements sont toujours les mêmes : une tasse de thé quelque part, un détour dans l’une des nombreuses librairies de la ville à la recherche de la perle rare, l’Eglise paroissiale, mais aussi parfois le tailleurs. C’est à peu près tout. J’ai eut beau chercher, je n’ai rien pus trouver de plus. Si son comportement en fait l’élément idéal pour ce que nous recherchons, je doute qu’il ait assez de ténacité pour cette mission.
Suivant instructions, je continue à suivre ma cible.
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Rapport top secret du M.I.6
Mars 1936, Innsbrück, AutricheJ’ai approche la cible aujourd’hui. Vous pourrez voir dans mes rapports précédents que ce n'était pas la première tentative. Nous nous sommes liés autour d’un café à plusieurs reprises. Ce jour, je lui ai présenté ce que nous attendions de lui. La cible a ete surprise de pouvoir être ne serait-ce que contacté pour ce genre de demande. Il m’a dit prendre le temps de réfléchir. Comme dit dans mes rapports précédents, je ne fonde pas grand espoir en lui. Sa position est intéressante mais son caractère peu enclin à ce genre de sacrifice pour sa patrie.
Reprise du rapport deux jours plus tard: comme je m’y attendais, la cible a décliné l’offre. N’ayant pas de moyen de pression sur lui ou sa famille, impossible de l’y forcer.
Attends nouveaux ordres de missions à venir
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Journal intime - Septembre 1938
J’écris depuis le train. Je n’aurai ni la force ni l’envie d’écrire les quelques - pauvres - vers desquels je gribouille habituellement ce carnet, je n’en ai pas la force… Depuis l’Anschluss, tout est allé de mal en pis. On sentait déjà la situation catastrophique ces derniers mois, mais désormais… J’ai voulu m’accrocher, j’aurais aimé rester, mais je n’ai pas pu. Rien n’y a fait… Même à l’université, certains professeurs de tous départements confondus ont adhérés à ces idées stupides qu’ont les Nazis. J’ai perdu ma chair, sous pression de ces idiots. Et encore je peux m’estimer heureux, j’ai une patrie envers laquelle m’en retourner. Qu’en est-il de tous ces gens qui n’ont nulle part où aller? Qui ne peuvent retrouver du travail? J’ai vu certaines secrétaires se faire radier sans ménagement, des étudiantes renvoyées chez leurs parents… Et que dois-je dire de mes collègues juifs? Kant et Wagner doivent se retourner dans leur tombe. Je suis arrivé à Genève hier, je suis dans un train pour Paris, et de là un autre pour le port de Cherbourg, avant de m’en retourner jusqu’en Ecosse. Que vais-je faire? Mère m’a écrit, elle m’a bien fait comprendre que trouver un emploi dans ma situation, alors que personne - excepté peut être le duc de Windsor… Si je n’avais été aussi antipathique aux idées véhiculées par Hitler et ses comparses, peut être l’aurai-je rejoins, dans un moment de désespoir… Je crois que c’est lui, d’ailleurs, le désespoir, qui me fait parler. Il vaut mieux que je cesse de laisser vagabonder mon esprit et que je brûle ces pages, avant qu’elles ne se retournent contre moi.
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Journal intime - Juillet 1939J’avais refusé d'écrire dans ce cahier comme dans un journal, je m'étais dit qu’on ne m’y reprendrait plus, et pourtant voilà que ces derniers mois je n’ai plus la force d'écrire de la poésie. Il ne suffisait pas qu’aucune université ne l'accepte en son sein en tant que professeur ou assistant, on me refuse aussi de me battre pour mon pays… Je me sens comme un reclu, un paria. Depuis que me voici de retour chez mes parents, on me tourne le dos. Pire, on leur tourne le dos. Je ne supporte pas la peine que je vois dans le regard de ma mère quand celle-ci passe la porte en revenant de la messe. Tout le monde sait que j’ai travaillé en Autriche, on me prend donc pour un partisan. Depuis le début de la guerre, il y a quelques semaines, j’ai voulu m’engager. Hélas ces messieurs des services secrets ont du faire ou écrire quelque chose dans mon dossier. On m’a refusé mon engagement… Mère ne cesse de me dire que ce n’est que temporaire et que bientôt je pourrai aussi rejoindre les troupes, mais je vois bien que malgré la blessure de son orgueil elle est rassuree de voir que je ne rejoindrai pas nos troupes immédiatement. Je ne veux pas lui faire de peine, comment lui dire que je voulais y aller, moi aussi. Pas pour tuer de l’Allemand, comme certain, mais pour prouver à tous que je suis aussi patriote qu’eux. Mere n’a pas perdu son mari dans la Grande Guerre, peut être ne se pense-t-elle pas digne du Seigneur et que Celui-ci lui retirera son fils cette fois-ci? Je l’ignore.
Les rangs de l’Eglise qui s'étaient clairsemés depuis mon retour se sont reformés. Je vois toujours bien les regards qu’on me lance; en plus d'être un traître parti vivre en Autriche, je suis un lâche qui ne s’est pas engagé… J’ai beau faire appel à toute la bonne volonté chrétienne du monde, parfois, je me sens hargneux. J’en fini par regretter l’offre qui me fut faite avant l’Anschluss…
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Rapport top secret du S.O.E.
Juin 1940, Londres, Angleterre
Autorisation faite de créer un département Germanophone dans nos locaux - Allemagne/Autriche. Liste de contacts sur le pays récupérée tant bien que mal du M.I.6. Liaison faite avec certains. Début de l'entraînement au centre de (CENSURE) en date du (CENSURE)
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Quelque part en Ecosse, Juillet 1940
Rapport du Lieutenant-Colonel Ryan
Je ne peux, une fois de plus, que regretter que nous soient envoyés des intellectuels et des femmes pour ces futures missions qui demandent la maîtrise de soi que seuls les militaires de carrières peuvent avoir. Hammond n’a ni les épaules, ni la force morale qui feront un bon agent. Il n’a que l’intellect et les relations. Preuve d’une faiblesse supplémentaire, il s’est lié de près à une de ces recrues féminines que notre gouvernement a décidé de mettre en première ligne, Avery. Ils passent beaucoup de temps ensemble et se soutiennent mutuellement, mais que pouvons-nous attendre d’une femme et d’un universitaire? Rien de bon.
je manifeste encore une fois ma déception et mon opposition à ces idées novatrices qui, en tant de guerre ouverte, ne peuvent rien apporter de bon. Certes, Hammond est debout avant l’aube et se donne à fond, mais cela ne suffit pas au fait qu’il n’a aucune rigueur militaire et sa capacité à trop réfléchir est néfaste à cette grande institution qu’est l’armée Britannique. Ces civils, qui ne le seront plus vraiment à l’issue de cette formation, mais ne peuvent se prétendre militaire non plus, n’ont pas les capacités recherchées par l’armée. Cependant mes ordres sont de les former et j’y mettrai le plus d’énergie possible.
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Journal intime, Octobre 1940. Enfin de retour à Londres… J’ai beau venir d’Ecosse, ce pays, même en été, sait être rude. Je ne sais ce qui fut le pire, le pays en lui-même, ou l'entraînement qu’on nous fit subir. J’ai eus l’impression d’être revenu à l’époque du pensionnat. Je ne pensais pas être si peu en forme, je dois l’avouer, mais il faut bien reconnaître une chose à notre sergent recruteur, il n’a pas ménagé sa peine pour nous faire tous, homme comme femme, changer en profondeur. J’ignorais même que certains de mes muscles existaient…
Je me suis senti profondément changé en rentrant à Londres. L’impression d’être enfin utile, de faire quelques chose… Des portes se sont ouvertes, celles de certains clubs d’officiers, notamment. J’y ai rencontré un de ces français, Bassal, un officier ayant suivit de Gaulle jusqu’ici pour continuer le combat. Il est assez drôle, un peu trop curieux, mais amusant et je dois avouer que nos échanges verbaux me rappellent mes meilleurs souvenirs des clubs de débat de l’université.
Mais je ne suis pas là pour me reposer sur mes lauriers. Il me faut faire une liste de tous ceux qui, à Insbrück, pourraient être des sources d’information possible, ceux qui pourraient nous aider à éradiquer les nazis. Les informations sont les choses les plus importantes. Malgré mon entraînement, j’ai bien compris qu’on n’avait pas l’intention de m’envoyer sur le terrain immédiatement. Je dois avouer en être momentanément rassuré. Mais il faudra bien sauter le pas. Mais voilà de nouveau les sirènes anti aériennes et il me faut quitter ma plume. Au moins, maintenant, je sais que je peux agir.