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 Voler de ses propres ailes ~ Margaret feat. Victoria

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Margaret Bradford
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Margaret Bradford

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MessageSujet: Voler de ses propres ailes ~ Margaret feat. Victoria   Voler de ses propres ailes ~ Margaret feat. Victoria EmptyMer 11 Juil - 18:39



Voler de ses propres ailes

"Un héros est une personne ordinaire qui trouve la force de supporter et de persévérer en dépit d'obstacles écrasants." Christopher Reeve



Indépendance. Si je devais définir ma vie de femme en un mot, ce serait ce terme, certainement, qui me viendrait à l’esprit. L’indépendance était en effet le maître-mot de mon existence : de mon existence de femme, d’épouse, de mère.
Si cette valeur était si importante pour moi, c’était sans doute parce qu’il m’avait fallu un certain temps pour l’acquérir. J’avais longtemps été, à l’inverse, soumise aux attentes de mes parents, en particulier à celles de mon père. Bien entendu, je n’avais pas eu une enfance malheureuse, bien au contraire, mais il n’en restait pas moins que mon père avait eu un certain nombre d’aspirations pour moi et mon avenir auxquelles j'avais dû me plier.
La pression avait toujours été implicite – jamais il n’avait exigé quoique ce soit de moi –, mais elle avait toujours été, malgré tout, bien présente. Mon père était un grand écrivain, qui fréquentait le gratin du monde intellectuel de son époque. Dès mon plus jeune âge, il m’avait permis d’assister aux réunions qu’il organisait dans son salon. À la maison, tout était art, tout était littérature, tout était savoir : de la grande bibliothèque et ses milliers de livres aux conversations de mes parents. Aussi, il n’avait pas été bien difficile d’assimiler le message ; si je ne l’avais pas intégré de moi-même, il se serait forcément imposé à moi : comme mon quotidien, mon environnement me le faisait savoir, je me devais de devenir un grand écrivain. Le message avait été d’autant plus clair que j’étais enfant unique : le désir de mon père de faire perdurer son talent ne pouvait reposer que sur moi, la seule fille Ingram – autant dire que la pression qui reposait sur moi était énorme.
Je pouvais dire aujourd’hui, malgré toute la profonde admiration et tout l’amour que je portais pour mon père, que cette pression qu’il avait sans cesse exercée sur moi m’avait été néfaste. Elle m’avait en tout cas poursuit une longue partie de ma vie, détruisant le peu de confiance en moi que je pouvais avoir. Pendant longtemps, en effet, je n'avais cessé d’entendre la voix de mon père me disant « non, tu ne fais pas bien ; non, ce n’est pas ce que j’attends de toi » ; cette voix s’était, au fil des années, immiscée en moi, elle était devenue une seconde conscience, en quelque sorte. Pendant longtemps, je n’avais ainsi vécu qu’à travers mon père : je me devais de devenir une grande femme de lettres, comme lui ; je me devais d’apprendre, d’intégrer un maximum de connaissances afin d'être une grande intellectuelle, comme lui ; je me devais de m’intéresser à l’art, comme lui ; mes relations avaient longtemps été les siennes, mes centres d’intérêt les siens. J’étais dépendante de lui.
Aussi, jusqu’au choix de mon mari, j’avais dû me soumettre aux souhaits de mon père. En tant que femme, j’allais perdre mon nom ; en tant que fille unique, le nom Ingram allait se perdre avec moi. Alors, il était forcément hors-de-question pour mon père de troquer son nom contre le premier venu. Il fallait un bon parti, un homme de bonne famille qui saurait subvenir convenablement à mes besoins ; Thomas Bradford avait su incarner cet homme, je fus donc amenée à l'épouser. Si je l’avais par la suite aimé, il n’en restait pas moins que je m’étais dans un premier temps pliée aux désirs de mon père, là encore, en me mariant à un homme que je n’avais rencontré que quelques fois.
Autant dire que, tout le temps que j’avais dû vivre avec mon père, je n’avais eu aucune forme d’indépendance. Il fut peu étonnant, par ailleurs, de voir que ce ne fut qu’une fois séparée de lui, libérée de ses contraintes, que j’avais su m’épanouir dans ma vie – à la fois sentimentalement, personnellement que professionnellement. En effet, alors que j’avais longtemps vécu à travers lui, jusqu’à décrocher mon premier emploi au Times grâce à ses relations, ce ne fut que lorsque je m’étais décidée à prendre moi-même mon destin en main que la réussite était arrivée. D’abord, j’avais tissé un certain nombre de relations, notamment au journal, qui m’avaient permises d'intégrer quelque peu l'élite intellectuelle et littéraire – cette fois loin de mon père –, ainsi que d’être repérée par quelques maisons d’édition avec lesquelles j’avais pu par la suite travailler. Puis, je m’étais décidée à écrire cet article – et l'idée était entièrement venue de moi –, ce fameux article du Guardian dans lequel je me faisais critique du monde d'avant-guerre, attirant l’œil du grand public ainsi que de nombreux intellectuels et écrivains. Un véritable tournant dans ma vie, qui m’avait permis par la suite la consécration littéraire. En effet, j’étais dès lors devenue une femme de lettres reconnue, épanouie, dont les ouvrages se vendaient en nombres. Or, j’avais accédé à cette gloire sans une quelconque aide de mon père ; simplement grâce à moi, à mon talent, parce que j’avais eu le courage de m’émanciper et de mettre en avant mes propres désirs avant les siens. Comme quoi, mon indépendance avait su m’emmener loin, beaucoup plus loin que ce que m’avait permis mon père.
Dès lors, l’indépendance était devenue une valeur fondamentale dans ma vie. Je m’étais refusée à ce que mon mari, notamment, exerce une quelconque influence sur moi. Heureusement, j’avais eu la chance que Thomas lui-même fût très en avance sur son temps et m’approuvât sur cette question, ce qui m’avait permis de ne rencontrer aucun obstacle à mes désirs et à mes objectifs de vie.
Ainsi, j’avais pu, par mon expérience, constater que l’émancipation était essentielle afin de réussir. Dans mon cas, en l'occurence, ce ne fut que par l’émancipation – de mon père, puis de mon mari – que j’avais pu devenir la femme de lettres que j’étais aujourd’hui.
Bien entendu, je ne le serais pas devenue non plus sans ambition, et sans doute était-ce l’alliage de ces deux valeurs – l’indépendance et l’ambition – qui m’avaient permises de devenir un écrivain reconnu. Ainsi, j'avais compris qu'indépedance et ambition étaient les moteurs fondamentaux de la réussite.

Sans indépendance, sans émancipation, il ne pouvait y avoir réussite. Cela était d’autant plus vrai pour une femme, qui était soumise sans cesse à de nombreuses pressions : pression de la société, pression de ses parents, pression de son mari, pression de son foyer. C’était un constat : ces barrières ne leur permettaient généralement pas de combler leurs désirs. Cantonnées le plus souvent à la tenue de leur maison, elles devaient refouler leurs envies pour s’occuper plutôt de leurs maris et de leurs enfants. C’était quelque chose que j’avais du mal à accepter,, moi, femme indépendante et épanouie ; j’aurais aimé voir, dans cette société, plus de femmes à des places de prestige, à des postes à responsabilité, ou au moins capables d’avoir des objectifs de vie et de les mener à bien sans devoir faire face à des obstacles sous prétexte qu’elles étaient des femmes. La société devait évoluer. Une femme pouvait très bien vaquer à ses propres occupations tout en assurant le soin de son foyer ; les deux n’étaient pas incompatibles.
Victoria Irvin était une de ces femmes qui, à mes yeux, ne l’avait pas encore compris. Finalement, elle me rappelait moi à mon plus jeune âge, lorsque j’étais encore dépendante de mon père avant de comprendre que je devais m’émanciper pour réussir. En effet, Victoria m’avait raconté son souhait profond d’intégrer l’Air Transport Auxiliary, mais aussi comment son rang et ses relations ne l’avaient contrainte qu’à des postes de standardiste. Tout avait pourtant bien démarré : elle avait eu le courage d’affronter son père, et plus généralement sa famille, en annonçant qu’elle allait intégrer l’armée ; un début d’émancipation, en somme. Mais voilà, son rêve – devenir pilote pour l’ATA – était encore loin d’être abouti ; elle n’avait fait que la moitié du chemin, et je comptais bien la pousser à accomplir l’autre moitié. C’était devenu presque un jeu entre nous, d’ailleurs : sans cesse je lui rappelais son rêve, lui disais qu’elle devait penser à son indépendance, à s’écarter de sa famille afin d'accomplir son souhait profond, ce qui avait tendance à l’agacer.

Quoiqu’il en soit, en dépit de ce point noir dans toute cette belle histoire, Victoria représentait pour moi une véritable héroïne. Elle incarnait à elle seule les personnages de ces romans que j’avais tant dévorés. Une jeune femme de la haute société qui devait affronter de nombreux obstacles pour parvenir à atteindre son rêve – intégrer l’armée, puis devenir une pilote combattant les ennemis de la guerre –,  n'était-ce pas une jolie histoire de roman ? Evidemment, il ne manquait plus que le dénouement final, le happy end pour en faire une véritable histoire.
Si la vie de Victoria était digne d’un roman, ce n’était sans doute pas un hasard si le dernier ouvrage que j’avais publié, Mrs Dallowey, montrait une jeune femme affronter sa famille et les diverses pressions sociétales pour devenir pilote de l’air. Victoria avait sans nul doute été une source d’inspiration essentielle pour ce roman. Dès sa parution, mon livre s’était vendu en nombres, ce qui était peu étonnant ; depuis quelques années, mes divers ouvrages – romans, recueils de nouvelles, essais philosophiques – rencontraient chaque fois un certain succès, attirant le public autant que les critiques littéraires et les hommes de lettres.

4 Juin 1941. Je m’étais décidée à passer mon après-midi dans le Kardomah Café du 186 Piccaddilly afin d'y écrire quelques pages de mon prochain bouquin.
Il s'agissait d'un endroit dans lequel j'avais l'habitude de me rendre pour y trouver l'inspiration. La vue de la rue passante, le brouhaha des conversations alentours, l'odeur du café, le goût du thé étaient autant de stimuli qui aiguisaient mes sens, nourrissaient mon inspiration, enrichissaient mon écriture.
Ainsi, après avoir pris le bus pour atteindre le quartier de St. James’s, vêtue d’une longue robe à fleurs bleue, je marchai encore quelques minutes jusqu’à atteindre le fameux café. Alors que j’ouvris la porte du Kardomah, sur le point de pénétrer à l’intérieur, j’entendis au loin une voix féminine crier mon prénom. Me retournant, j'aperçus Victoria, reconnaissable par sa chevelure rousse, accourir vers moi. Instantanément, un sourire orna mes lèvres rouges.
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MessageSujet: Re: Voler de ses propres ailes ~ Margaret feat. Victoria   Voler de ses propres ailes ~ Margaret feat. Victoria EmptySam 21 Juil - 11:44

La sonnerie caractéristique de la fin de leur garde tira  Victoria de ses pensées. Elle passa une main fatiguée sur son visage, se demandant combien de temps c'était passé depuis qu'elle avait complètement perdu pied avec la réalité. Elle regarda l'heure, par réflexe. Inutile de le faire, la sonnerie parlait d'elle-même. Elle s'étira. La nuit avait été longue. Depuis la fin du Blitz, les bombardements se faisaient beaucoup plus sporadiques, mais cela ne leur facilitait pas la tâche. Chaque nuit, de garde ou non, elle et sa section attendaient le bruit caractéristique des sirènes, le moment de panique, puis l'action. Ces derniers temps, ce moment venait beaucoup moins souvent et l'angoisse de l'attente était bien pire que l'action. Elle rassembla le rapport de la nuit dans un dossier et se plaça à la porte. Une à une, les jeunes femmes sortirent tout en lui remettant leurs notes. Pour la plupart, pas grand chose. Au moins Londres avait passé une bonne nuit. De l'autre côté de la porte, elle voyait la section suivante attendre pour prendre son poste. Elle hocha la tête en signe de salut à l'autre caporal en charge. Celle-ci lui répondit de même, avant de s'adresser aux jeunes femmes qui trainassaient un peu:

-Allons, mesdemoiselles, dépêchons!

Victoria la laissa faire, elle était un peu trop fatiguée pour penser à relever. Les WAAF pressèrent le pas. Victoria sorti la dernière et pendant que sa section se dirigeait vers son dortoir, la jeune femme fit un crochet par le bureau des archives pour donner le rapport, tamponné et signé. Elle allait repartir quand la secrétaire l'arrêta:

-Caporal Irvin, j'ai quelque chose pour vous! L'une d'entre elle va beaucoup vous plaire!

Elle lui tendit un petit paquet dans du papier kraft. Curieuse et surprise, Victoria le saisit et l'ouvrit. Un livre, signé Margaret Bradford, une amie de sa mère. La coïncidence faisait qu'elle avait justement rendez-vous avec elle quelques heures plus tard. Le visage de Victoria s'illumina. Elles avaient pris l'habitude de se passer différents livres, pour passer ces nuits d'attente, ou pour tenter de trouver le sommeil après une nuit de garde épuisante. C'était son tour. Et en plus, elle connaissait l'auteur. La jeune femme remercia l'archiviste et se dirigea à son tour vers les dortoirs, pressée de se plonger dans la lecture. Elle était dans cet état de fatigue qui faisait que le sommeil lui-même ne viendrait pas tout seul. Un peu d'évasion ne lui ferait pas de mal. Elle traversa le dortoir où certaines filles finissaient leurs toilettes, d'autres étaient déjà au lit, plus ou moins endormie. Elle avait quelques heures devant elle.

Après avoir elle aussi retiré son uniforme, elle fit une rapide toilette et se glissa dans son lit à son tour, dans la petite chambre à part qu'elle avait en tant que responsable de section. A l'extérieur, la vie grouillait, il faisait grand jour, mais elle allait juste se coucher. C'était un recueil de différentes nouvelles. Victoria dévora les premières, mais senti le sommeil la gagner au début d'une nouvelle qui l'aurait pourtant passionnée, elle n'en faisait pas de doute, sur une jeune aviatrice. Elle se laissa pourtant glisser dans le sommeil, décidant de garder cette histoire-ci pour plus tard.

Victoria avait réussit à dormir cinq ou six heures, ce qui n'était pas si mal. En se réveillant, elle jeta un coup d'oeil à la section. La plupart des filles étaient sorties. Certaines dormaient encore. Elles seraient toutes de retour pour le soir, le couvre feu était à 10h. Il fallait qu'elle fasse de même. Elle prit le temps de s'étirer et de profiter de ces quelques minutes, elle n'était pas très loin de son point de rendez-vous, le Kardomah Café; et savait déjà ce qu'elle allait mettre. Elle retira les draps, prête à se lever, et un bruit d'objet qui tombe retint son attention: le livre de Margaret. Le ramassant, elle se rappela de là où elle s'était arrêtée. Elle avait encore bien quelques instants. Se réinstallant, elle commença l'histoire. Dès le début, elle eut une impression étrange. Comme si elle connaissait déjà l'histoire. Une jeune femme, de noble famille, en conflit avec sa famille pour apprendre à piloter. Au fur et à mesure des pages, Victoria ne pouvait plus s'y tromper. C'était son histoire qui était écrite dans ces pages. Surprise, choquée, Victoria senti son corps se glacer. Elle était en colère, mais surtout se sentait mise à nue sans son propre consentement. Lâchant le livre, elle se leva d'un bond et s'habilla rapidement d'un ensemble gris souris et d'une chemise blanche. Elle attacha ses cheveux en un chignon bas et rajouta un petit bibi à voilette noire qui tombait sur ses yeux bleus. Gants, sac et chaussures étaient également noirs. On ne pouvait renier la lady en elle quand elle était en civil, elle-même ne le pouvait pas.

Avant de partir, elle ramassa le livre et le glissa dans son sac avant de partir, passant en coup de vent par le dortoir.

Il ne lui fallut pas très longtemps pour rejoindre le café. Vêtue d'une robe à fleur qui lui allait à ravir et flattait sa chevelure blonde, Margaret allait entrer dans le café. Victoria songea un instant qu'elle l'admirait beaucoup, elle avait tout. Avait tout eut. Un mari aimant, une famille, et une passion qui l'avait portée aux nues. Mais elle ne voulait pas en faire les frais.

-Margaret! Appela Victoria.

Elle pressa le pas pour rejoindre la jolie blonde à l'entrée du café. Malgré son état de nerf, Victoria prit quand même le temps de l'embrasser alors qu'elles entraient dans l'endroit qui respirait la tranquillité et la vie. Deux choses peu courantes ces derniers temps. Elles se firent placer dans un petit coin cozy, une petite table et deux fauteuils. Le thé et les scones arriveraient dans un instant. Victoria était fébrile. Margaret ne s'attendait certainement pas à ce qui allait se passer. La jeune femme sortit le livre de son sac et le mit sur la table, entre elles.

-Je peux avoir une explication?

Exposée, mise à nue, sans le savoir... Le sentiment n'était vraiment pas agréable. La jeune femme se demanda un instant comment on pouvait être célèbre et supporter ça.
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