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Sujet: JAMES ☂ I'm not superman Lun 14 Sep - 18:49
James Alistair
“Journaliste. Écrivain qui tente de trouver sa voie dans la vérité, et qui la disperse dans une tempête de mots.”
Je suis né-e à Londres en 1910. Mon arrivée à Londres a eu lieu un 9 novembre 1910, alors que je venais au monde. Cette ville est fabuleuse car elle est vivante, riche, où je me sens vraiment chez moi. Depuis le début de la guerre, ma vie a changé, je suis désormais civil, car dans la vie je suis journaliste au Times et romancier. Côté amours, je suis célibataire même si mes sœurs veulent me caser, que voulez-vous, c'est ainsi. Ma tête ? Il s'agit de Eddie Redmayne par Shyia et Tumblr
Depuis son début, la guerre a-t-elle affecté ta vie directement ?
Bien sûr, la plupart de mes amis portent désormais l'uniforme et se battent pour la liberté. Même ma sœur s'est engagée volontairement, c'est dire ! De mon côté, le journal ne publie quasiment que des nouvelles du front et encourage le peuple dans une grande propagande, à laquelle je participe. Je passe sous silence la frustration de ne pas m'engager à mon tour, ma légère infirmité me contraint à la vie civile. Alors je tremble pour autrui, j'écris quelques articles sur la guerre, et je jette mon admiration sur tout ce qui porte un uniforme.
Dans ma vie quotidienne, je dois avouer qu'on ne vit plus dans l'opulence. Je viens d'une famille assez aisée, et pourtant, manger correctement n'est pas toujours évident. Il a fallu que mon père se mêle du marché noir et nous rapporte quelques bonnes nourritures pour retrouver grâce à nos yeux. Mais se racheter avec un jambon, est-ce vraiment honnête ?
Es-tu pour la victoire de la Grande Bretagne, ou préférerais-tu voir ce conflit s'arrêter au plus vite, avant qu'il ne s'aggrave, quitte à voir la Grande Bretagne y perdre beaucoup ?
Les hommes ont tendance à oublier ce qu'il s'est passé au début du siècle, la guerre avait détruit de nombreuses vies, tout cela pour une victoire éclatante, oubliant totalement l'origine du conflit. Aujourd'hui, c'est pareil : on oublie qu'on a humilié l'Allemagne en 1919, ce qui l'a conduit à sombrer dans la folie du nazisme et vouloir se venger à son tour. Mais les gens ne voient plus cela, ils ne voient que l'objectif de la victoire, à tout prix.
Si j'aimerais que l'on gagne bien sûr, j'aimerais avant tout la paix, et vivre comme avant. Mais est-ce qu'on pourra vraiment revenir comme avant ? J'en doute …
Quel est ton but dans la vie? Pourquoi es-tu à Londres ?
Je suis né à Londres, il y a trente ans de cela, et je ne l'ai presque jamais quitté, sauf pour mes études à Paris et quelques voyages, mais rien de sensationnel. Ma vie est ici, j'aurais du mal à quitter ma famille – pourtant parfois, je n'en peux plus – , mes amis, mes habitudes, mon bel appartement et mon boulot. J'ai travaillé dur pour entrer au Times, et j'ai eu la chance de décrocher une chronique dans Vogue UK. Et puis, j'ai publié mon premier roman, un véritable succès littéraire d'avant-guerre. Je suis devenu une personnalité à la mode, quelqu'un dont le visage est connu de beaucoup, alors pourquoi partir pour redevenir anonyme ? Et puis quitter Londres, c'est déserter et je ne peux pas concevoir de m'en aller, surtout maintenant …
Tout ce que je veux, c'est d'être heureux et arriver à trouver l'inspiration pour mon prochain roman. Mon grand succès remonte à deux ans maintenant et je suis incapable de me fixer sur une idée. J'ai écrit un ou deux chapitres par-ci par-là, mais je me suis lassé et passé à autre chose. Il faudrait tout de même que je présente un jour de quoi mettre sous la dent à ma maison d'édition !
Derrière l'écran
Je m'appelle MaquizZ / Stephet j'ai 28 ans. Je suis archiviste et je suis présente plus qu'il ne le faut en tant qu'admin. J'ai trouvé le forum via Vintage qui a eu l'idée et où je me suis incrustée comme un tyran XD. D'ailleurs je le trouve super génial mais rien, je pense qu'on a bossé comme des folles, je suis fière de nous ! . A bientôt en RP!
Dernière édition par James Alistair le Ven 9 Oct - 14:52, édité 4 fois
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James Alistair
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Sujet: Re: JAMES ☂ I'm not superman Lun 14 Sep - 18:50
Votre garçon n'aura jamais la même éducation qu'une fille. Il faut préparer le futur grand homme à son avenir, et ce, dés le plus jeune âge. Pour cela, il lui faut une chambre à part, quelqu'un pour s'occuper de lui en permanence. Il lui faut aussi une présence masculine pour que l'enfant se sente en sécurité. Le papa doit donc voir régulièrement son fils et …
Un garçon. Après deux filles, Caroline et Anne, le petit héritier tant attendu arriva. Non pas que la famille possédait un patrimoine fabuleux mais il fallait un fils, point. Né James Charles Morgan Alistair en ce matin brumeux du 9 novembre, le père disparut pendant deux jours, parti fêter sa descendance de pub en pub, prenant sans doute la cuite de sa vie ! Drôle de couple d'ailleurs que les Alistair, ne trouvez vous pas ? D'un côté, voici Maud, née Leeson, issue d'une petite aristocratie dont la seule personne ayant été présentée à la Cour fut sa mère, et encore, ce fut une erreur pour cause d'homonymie ! Encore aujourd'hui, Granny Mary raconte cette histoire avec beaucoup d'humour. Petite noblesse, propriétaire d'une belle demeure dans le Lancashire, de quoi vivre paisiblement mais pas de jeter l'argent par les fenêtres. La famille faisait fortune grâce aux mines de charbon et faute de garçons vivants à la mort des parents, ce fut Mary et son époux, le comte de Milltown, qui reprirent les affaires. Leur fille, Maud, fut l'avant-dernière enfant d'une grande fratrie. Comme beaucoup de filles à l'époque, elle reçut une éducation sommaire et attendrait son tour pour se marier avec un parti convenable. Pas de bol, la jeune femme bien élevée cachait un tempérament de feu et a vingt ans, là voici à manifester pour le droit de vote des femmes. C'est lors d'une des nombreuses manifestations réprimées par la police que la drôle de rencontre se fit : Maud courait pour ne pas se faire arrêter, et un homme lui ouvrit la porte pour la cacher. Un fringuant jeune homme même, belle allure avec sa moustache bien dessinée, sa chemise et son gilet. Lui, c'était Alfred Alistair, petit bourgeois au sourire canaille et au bagout bien rôdé. La jeune femme ne jouait pas au chat et à la souris qu'avec la police, mais aussi avec Alfred qui ne cessait de lui courir après. Après plusieurs mois à se chercher, ils se trouvèrent enfin et la demande fut faite en bonne et due forme. Un joli mariage, pas forcément apprécié par la famille aristocrate qui espérait un peu mieux qu'un bourgeois bellâtre. Naquit une fille en 1905, Caroline, une autre en 1907, Anne.
Le couple vivait en bordure de Londres avec leurs trois enfants, Alfred travaillait pour l'entreprise de son père, amené sans doute un jour à la co-diriger avec son frère aîné. Ah, cet Alfred vendrait presque n'importe quoi à n'importe qui avec son assurance, ses belles paroles, son sourire avec sa moustache lustrée, et il va d'ailleurs se spécialiser dans les négociations et les grands projets, qui ne resteront que des projets … Le père adore son fils, il espère qu'il deviendra comme lui, digne héritier de la famille, qu'il saura parler comme lui et marcher dans ses traces. Mais à trois ans, James ne voyait que l'amusement au jour le jour, cajolé par sa mère, à cours après ses deux sœurs pour jouer avec elles. Caroline en faisait sa poupée vivante, à coiffer ses cheveux roux, à choisir ses habits sous le regard amusé de ses parents. En 1913, Georgiana compléta le tableau familial, à domination rousse. Mais tout ce bonheur ne dura qu'un temps, la guerre éclata comme par surprise. Ce jeu d'alliance européen fera oublier l'attentat de Sarajevo au prix d'une guerre mondiale, où toutes les nations voudront la victoire, où les hommes partiront de l'autre côté de la Manche, et les femmes obligées de se débrouiller.
The Guardian, avril 1917 Restons forts, peuple britannique !
... Pensons à ces hommes sur le front d'Arras, à batailler contre cette armée de germains sanguinaires ! Qui peut les arrêter ? Nous, peuple de l'empire britannique où nos hommes donnent leurs vies pour sauver. Restons forts, restons dignes, restons britanniques ! …
Maud posa le journal non loin d'elle, et soupira. Rester fort, facile à dire ! Elle avait maigri, ne cessait de courir partout entre ses enfants, son emploi, ses réunions de suffragettes. Elle regrettait de ne pas avoir accepté la proposition de ses parents de les rejoindre dans le Lancashire, pour se reposer et vivre loin de Londres. Elle avait préféré y envoyer ses enfants durant deux ans, où elle essayait autant que possible d'aller les voir. Les enfants Alistair avaient adoré vivre dans cette vieille demeure, pas très imposante au niveau architecturale, mais déjà bien trop grande pour eux. Autant dire : un vrai terrain de jeu ! Courir dans des couloirs de bois lambris, avec quelques portraits de famille, tourner autour de fauteuils style Regency et se prendre les pieds dans des tapis persans, cela changeait leur manière de vivre. A part les grands parents et une tante vieille fille, Lydia, un peu acariâtre toujours à râler d'avoir les enfants dans ses pattes, il n'y avait que des domestiques, quelques visiteurs parfois, venus saluer les Leeson et admirer ces chères têtes rousses. James possède encore quelques souvenirs de cette grande maison chargée d'histoires, d'odeurs de bois ciré et tartes aux pommes. Il y resta trois années avant de retourner à Londres avec ses deux aînées. Seule la petit dernière resta à la demeure familiale. Le quotidien londonien tranchait avec la campagne verdoyante et il n'était pas rare que les enfants viennent aux réunions de suffragettes sans y comprendre grand chose. James, assis sur son banc, observait toutes ces dames, souvent vêtues de noir, qui hochaient la tête, applaudissaient, parfois une ou deux criaient quelques choses et les autres s'enthousiasmaient, alors il faisait pareil. Pour avoir son petit moment de gloire, il se mit debout sur son banc, leva ses petits poings en l'air et cria « vive les femmes ! » Ce qui fut sans doute l'instant le plus mignon des réunions, toutes les dames vinrent l'embrasser, deux le soulevèrent, il devenait une sorte de symbole de la future génération, moins machistes que l'actuelle. Illusion … En tout cas, il eut son portrait dans un petit journal que Maud conserve toujours dans ses tiroirs.
Si beaucoup vivaient dans la peur d'un mort dans la famille, la jeune femme pouvait presque dormir tranquille : un de ses frères, diplomate, était actuellement aux États Unis, le second se trouvait à l’État Major. Quant à Alfred … Il avait réussi à se trouver une place de secrétaire-traducteur auprès des officiers, puisqu'il parlait très bien français et possédait une jolie plume. Il écrivait de nombreuses lettres à son épouse mais aucune ne parlait des combats, simplement de paysages, de villes où il logeait, de certains dîners … Il revenait de temps à autre, en permission et s'il jouait celui qui trouvait la guerre difficile et insoutenable, il ne le vivait pas au quotidien. Sa plus grosse blessure fut de faire tomber un angelot en bronze sur le pied.
Et lorsque la paix arriva enfin après quatre années difficiles, Maud partit éclater sa joie au milieu de milliers de londoniens. Enfin, c'était fini, la vie pouvait continuer, tous ensemble à nouveau. Ou presque.
Harper's Bazar, août 1928 Comment bien réussir sa rentrée
Il est toujours important de bien soigner sa rentrée, dans tous les domaines. Le premier conseil d'usage reste la ponctualité : un élève en retard ne fait pas bon bon genre. Tout comme l'aspect vestimentaire, il faut se soigner, et rester dans le ton toute l'année. Surtout si vous entrez dans une école prestigieuse, on juge beaucoup sur les apparences.
Devant le grand bâtiment de pierres où l'histoire presque millénaire résonnait en dehors, James eut du mal à déglutir. Entrer dans une telle école, c'était un devoir d'honneur d'y réussir. Pourtant, s'il se trouvait là aujourd'hui, c'est qu'il le méritait. Le jeune homme pouvait se vanter d'une scolarité brillante, depuis son premier jour d'école jusqu'à son lycée privé au cœur de Londres. Les parents avaient convenu que tous les enfants feraient des études : Caroline étudiait le droit, Anne dans l'archéologie, aujourd'hui James en lettres et histoire. Garçon bien élevé, il avait fréquenté des écoles privés, voulant rendre fier ses parents de sa réussite, continuer sur les pas de ses sœurs aînées qui avaient des ambitions bien développés : la première voulait travailler en politique, la seconde rêvait de partir faire des fouilles en Italie. Sûr que ça dépayserait du Lancashire ou du Pays de Galles où la famille rendait parfois, une de leur tante, Jane, avait épousé un lord gallois divorcé, et tout ceci formait une drôle de famille recomposée, mais assez homogène car une de leur nouvelle cousine, Victoria, avait la même chevelure rousse que la fratrie Alistair.
A son tour de trouver sa voie et il avait déjà une bonne idée en tête, même deux : journaliste et écrivain. Ou plutôt dans l'ordre inverse. Avec l'étude de la littérature à l'école, il se passionnait pour les classiques anglais, notamment ceux d'Oscar Wilde dont il avait dévoré les ouvrages, ce qui lui valait la passion des belles lettres, l'envie d'écrire à son tour. Déjà, il avait des brouillons de manuscrits pas terminés – qui ne le seront jamais – en espérant un jour être publié à son tour. Mais le journalisme aiguisait ses sens, la curiosité, l'investigation, recouper les sources, partir sur le terrain … James se faisait sans doute une trop haute opinion de son futur métier, même s'il l'apprécie beaucoup. Mais à l'époque, le rouquin idéaliste sur le parvis de l'université ne savait pas encore ce qui l'attendait, ni les réalités de la vie. Puis il se retourna vers une automobile, où se trouvait devant sa mère et sa sœur Caroline qui lui firent de grand signe. Son père n'avait pas pu être là, monsieur faisait des affaires aux Etats-Unis. S'il restait vague sur le type de transactions, il envoyait en tout cas de très belles sommes à la famille, qui se permettait de vivre dans l'opulence, et de se payer les meilleurs établissements.
Enfin, il entra dans le bâtiment, comme on est happé par l'Histoire. Avec sa sacoche en cuir, sa veste en tweed et son chapeau, il avait fier allure, et pourtant se trouvait bien médiocre au fil de ses pas. Surtout qu'il n'avait pas vraiment le sens de l'orientation et que l'université ressemblait davantage à un labyrinthe ! Instinctivement, ses yeux se posèrent sur sa montre : il avait deux minutes pour trouver son amphithéâtre, et il mit une minute avant enfin de pousser la porte pour se retrouver dans un lieu où une foule d'étudiants, assis un peu partout, attendaient le professeur pas encore arrivé sur l'estrade. Vite, trouver une place, il serait mauvais genre de rester planter là comme un poteau ! Mais où ? Aucune place ne semblait disponible … Ah si, quelques rangs plus bas, un siège libre. Après un soupir satisfait, la voix de son voisin se fit entendre.
« Pas facile de s'y repérer, hein ? Je me sais chanceux, il paraît que des étudiants n'ont pas trouvé leur chemin depuis des siècles ! Lâcha James, pour détendre l'atmosphère. On aura le temps de croiser des fantômes alors. Je suis Isidore Hood. »
Qui aurait cru qu'une simple chaise vacante dans une salle bondée créerait une amitié ? James et Isidore allaient devenir deux inséparables. Deux garçons intelligents, avec le rêve de devenir journalistes, à aussi bien passer des heures à la bibliothèque pour étudier, qu'aux fêtes pour s'y amuser. Après l'appréhension d'avoir passé les portes de Cambridge, le jeune homme s'y sentait comme un poisson dans l'eau et avait envie d'excellence comme toujours …
The Daily Telegraph, avril 1930 Le vendeur de Londres enfin arrêté
Le « vendeur de Londres » tel qu'il est surnommé depuis plusieurs années pour avoir vendu à de riches américains certains de nos monuments comme la statue de l'amiral Nelson sur Trafalgar Square ou entre Buckingham Palace, a enfin été arrêté. L'homme, du nom de James Alistair, continuait ses affaires aux Etats Unis où il avait loué à un éleveur de bétail, la Maison Blanche pour 100.000$ l'année. L'affaire de trop fut celle de la vente de la Statue de la Liberté où le futur acquéreur, un magnat australien, a senti l'arnaque et l'a dénoncé aux autorités …
« Quel con ! »
Cette insulte, assez rare dans la demeure, sortit de la bouche de Maud, cette femme habituellement distinguée et peu adepte d'un langage aussi grossier. Les yeux rivés sur le journal, elle se sentait partagée entre le dégoût et la colère. Le reste de l'article ne tarissait pas d'éloge sur l'escroc au fort charisme, capable de vendre n'importe quoi à n'importe qui. Voici donc d'où venait l'argent de ces cinq dernières années, et pourquoi Alfred partait faire fortune aux États Unis. Dans l'encadrement de la porte, quatre têtes rousses se regardaient, chacun cherchait un mot rassurant ou du moins quelque chose à dire. James, au milieu de ses trois sœurs, se demandait ce qu'ils allaient advenir d'eux. Pour Caroline, l'affaire était réglée : devenue attachée parlementaire, elle s'était fiancée avec un jeune américain qui passait sa vie à racheter des entreprises à bas prix à cause du crack boursier, et devait se marier à l'automne. Vu comme l'homme était fou d'elle, il y avait peu de chance qu'il annule le mariage, surtout qu'il était prévu dans la demeure familiale du Lancashire, Granny Mary conduirait elle-même le futur époux, un fusil pointé dans son dos, plutôt qu'annuler !
James ne s'en faisait pas pour lui actuellement : en plein dans ses études, le jeune homme ne pensait qu'à réussir, s'amuser … et retrouver Isidore en tête à tête. La camaraderie, devenue amitié, devenait une sorte d'hybride. Certains appellent ça friends with benefits, cela sonnait bien. Ni tout à fait un couple, et plus tout à fait des amis, les deux s'étaient bien trouvés, ils prévoyaient de partir en France, en guise d'échange universitaire. Mais pour la vérité, il paraissait que Paris se voulait plus libre de mœurs que Londres. Ici, il valait mieux se cacher si on ne voulait pas partir en prison. Mais avec Alfred en prison, les plans changeraient-ils ?
Il fut sorti de ses pensées par Georgie, cette boule de nerfs de dix-sept années, qui l'avait poussée pour approcher leur mère et prendre le journal des mains de sa mère qui ne l'avait pas lâchée, et elle lut :
« Alfred Alistair, bourgeois britannique, était recherché depuis près de cinq années par la police. Tout avait commencé par la vente de la statue de l'Amiral Nelson à un banquier américain. Sa ruse ? Expliquer que la nation courait à la faillite, qu'il fallait se débarrasser des monuments, coûteux en entretien. Prix de la transaction ? 6000£. Insaisissable escroc, il vendit Big Ben, la Tour de Londres, Saint James' Palace et même Buckingham ! Il promettait aussi la livraison aux crédules acheteurs, tous de nationalité américaine ou australienne. Il a quitté l'Europe pour les États Unis d'Amérique où il a continué son manège : l'Empire State Building, louer la Maison Blanche à un éleveur de bétails, mais c'est la statue de la Liberté qui l'a perdu … il encourt jusqu'à vingt années de prison. Elle marqua une pause. Mais c'est affreux ! Papa ne peut pas faire de la prison de l'autre côté de l'Atlantique ! Qu'il y reste ! Moi qui pensait qu'il avait une maîtresse … j'aurais préféré, tiens ! Non mais notre nom salit dans les journaux. On court à la catastrophe … »
Toute la famille se regroupa autour de Maud pour un câlin collectif. Il fallait se serrer les coudes, les prochaines semaines seraient longues. Finalement, Alfred fut jugée par une cour anglaise, sa famille dut venir au procès, par principe d'apparence mais personne ne paraissait ravi de s'asseoir sur un banc de tribunal. Sauf peut-être Georgiana, qui adorait son père plus que tout, la seule à véritablement le soutenir. Il faut dire qu'Alfred avait toujours la classe, même sur le banc des accusés, toujours cette façon de parler tout à fait charmante, et à lisser sa moustache pour souligner ses propos. Ce charme le sauva sans aucun doute, il n'écopa ''que'' de cinq ans de prison. Maud lui rendit visite une fois, deux mois après le verdict, et elle rendit le sien : elle ne viendrait plus, ne voulait plus le voir, qu'il aille au diable. James ne prit même pas la peine d'y aller, seules les filles s'y rendirent de temps en temps. Et on tenta de reprendre une vie normale.
A l'automne, comme prévu, Caroline épousa Mr Robinson qui n'avait pas renoncé à la noce, loin de là ! Au cas où, Granny Mary avait laissé son fusil dans l'entrée l'air de rien. L'aînée quittait la maison, mais continuait de venir régulièrement. Dans les moments les plus difficiles, la famille est toujours le meilleur refuge.
Vogue, février 1933 Vivre à Paris, mode d'emploi
On ne vit pas à Paris comme ailleurs. La ville lumière est tout de même un cran au-dessus de toutes les villes du monde. Un faux pas et vous pouvez être mis au ban de la société parisienne. Le mot d’ordre ? Du style. Comme dit Coco Chanel “la mode se démode, le style jamais” et plutôt qu’à courir après la mode, autant créer la sienne. Avec cela et un café au Café du Flore ou un verre de Champagne dans un club de Saint Germain, vous séduirez un bel entourage. Mais ce n’est pas tout …
« Comment ça, tu pars ? Tu vas pas me laisser ici tout seul ! Viens avec moi à Berlin. Pour y faire quoi ? J'ai mon année à finir … et je ne parle même pas l'allemand ! Tu ne trouveras rien là-bas, à part des ennuis. Va pour les ennuis. Salut. »
Puis un claquement de porte. Dans ce petit logement parisien où ils vivaient à deux, James se retrouvait seul, assis sur son lit, complètement hébété. Depuis quand Isidore avait eu l'idée de partir en Allemagne ? Ils n'ont pas vraiment eu le temps de s'expliquer et ne se verraient pas avant quelques temps. Pourtant, Paris avait tout pour être idyllique …
Il étaient arrivés quelques mois auparavant, pour passer une année à étudier, à perfectionner la langue de Molière qu'ils maîtrisaient déjà fort bien. Personne n'avait trouvé à redire à leur colocation, tout le monde trouvait ça normal, sans arrière-pensée. James avait un peu d'argent de côté pour partir, étudiait la littérature la journée, donnait quelques cours d'anglais pour arrondir un peu ses semaines … même si tout partait en amusement, en fête et en sorties. La capitale française ne ressemblait pas tout à fait aux cartes postales, mais une atmosphère y régnait, surtout dans certains quartiers. Ils faisaient la fête à Saint Germain, non loin de la Sorbonne où ils étudiaient. James découvrait la liberté, lui habitué aux maisons peuplées, à la famille omniprésente, il était le seul Alistair à des kilomètres à la ronde, le paradis. Et même s'il écrivait de longues lettres, arrivait à téléphoner parfois, il se sentait bien plus indépendant dans ses choix, beaucoup plus libre. Personne ne cherchait à savoir ce qu’il faisait, où il allait. Puis comment ne pas aimer Paris ? Surtout pour un écrivain en devenir, James trouvait de l’inspiration dans ses lieux, comme tout cliché d’écrivain (ou personne ayant une machine à écrire), l’étranger venu dans la capitale française, coeur de tout livre réussi garanti.
Aujourd’hui pourtant, le rouquin n’avait guère le coeur à l’ouvrage. Après le départ d’Isidore, il se leva pour s’asseoir devant sa petite machine, payée trois fois rien à un type au coin d’une rue, mais n’écrivit pas un mot. Pourtant, ce n’était tout à fait comme s’il venait de se faire larguer, jamais avec son camarade avec plus d’affinités ils n’avaient décrété être un couple, il leur arrivait d’aller voir ailleurs, James avait la fâcheuse tendance à vivre de coups de coeur, aussi bien en livres, en films qu’en filles ou garçons. Tous les deux trouvaient ça normal, puisque cela n’altérait en rien leur relation. Pourtant, ils avaient crée ce projet parisien à deux, à imaginer leur vie commune là-bas, le genre de logement, les bancs de la Sorbonne, boire du vin, charmer les français(e)s avec leur accent british, traîner au jardin du Palais Royal pour espérer y voir Cocteau et sa bande, se rendre au Louvre et flâner sur les quais de Seine avant de danser à Saint Germain. Au milieu des clichés et de leur imagination débordante, une chose restait : partir ensemble à Paris. Alors s’y retrouver tout seul comme un con, c’était bien la peine d’imaginer un projet et de dépenser son argent …
Il n’avait pas eu le cœur de se rendre en cours le lendemain, mais dut bien se résoudre à ne pas passer sa vie dans ce petit logement où il se sentait bien seul. Le second jour, il sortait en direction de la Sorbonne, un tour à la bibliothèque pour continuer ses recherches sur Aliénor d’Aquitaine avant de rejoindre quelques amis, dont l’adorable Margot. Cette américaine photographe en quête de gloire, à la beauté atypique et aux manières si propres aux américains lui fit la bise lorsqu’il arriva à sa hauteur.
« Ton bellâtre n’est pas avec toi ? Demanda t’elle sur un ton ironique Oh à cette heure-ci il doit sans doute faire le beau à Berlin. »
Elle se mit à rire, croyant à une plaisanterie. De suite, lorsqu’elle les avait vus arriver ensemble la première fois, elle avait compris que l’ami en question était sans aucun doute un peu plus. Des regards, des gestes dérobés, des messes basses à l’oreille de l’autre, autant de choses anodines pour le commun des mortels mais dont Margot avait vu la subtilité. Mais pas ce soir, au début tout du moins, mais à voir le visage sérieux du beau rouquin, elle s’arrêta net.
« Tu ne vas pas me dire que … ? Lui, à Berlin ? Mais pourquoi ? Monsieur s’ennuyait à Paris, tu le crois ça ? Je finis l’année tout seul comme un con … Parlons d’autre chose ? Et toi alors ? »
La jeune femme haussa les épaules. Photographe principalement de mode, Margot perçait lentement mais sûrement. D’ailleurs, sans la photographie, sans doute ne se seraient-ils jamais rencontrés. Elle l’avait abordée au culot pour lui proposer de devenir son modèle. Son style, son allure british, la couleur flamboyante de ses cheveux et la beauté atypique de James lui avait plu, au sens professionnel du terme. Quant à Alistair, il avait pris ça pour de la drague et ce quiproquo les fit rire, et ils discutèrent autour d’un café pendant de longues heures. L’anglais n’avait jamais eu l’envie de passer sous le flash d’un photographe mais pourquoi pas, cela serait une expérience de plus, puis Margot avait l’air sympathique. Adorable serait plutôt le mot, avec le talent en plus. Sur les portraits, James se trouvait plutôt pas mal, même fier. En riant, il lui disait que quand il serait célèbre, elle serait sa photographe attitrée.
Finalement le reste de l’année fut bien moins terrible que ne le pensait Alistair. Il sortait danser régulièrement, passait beaucoup de temps avec Margot, et recevait tout de même des lettres d’Isidore. S’il avais décidé de ne pas répondre au départ, il céda rapidement, cela aurait été trop bête de faire une croix sur cette relation sans nom.
Dernière édition par James Alistair le Ven 9 Oct - 14:53, édité 4 fois
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James Alistair
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Sujet: Re: JAMES ☂ I'm not superman Jeu 1 Oct - 22:51
Ta Biographie
1935 - ...
Esquire, juin 1935 Les automobiles anglaises les plus puissantes
... En seconde position, nous retrouvons la Austin 10. Magnifique modèle à essence, 4 cylindres à soupapes latérales, moteur à l’avant du véhicule, elle vous sera aussi agréable à conduire à la campagne qu’en ville. Et maintenant, la première position ...
Fini, le temps des études. Après avoir passé brillamment ses examens et obtenu son diplôme en littérature et histoire, James Alistair avait tout pour devenir un bon journaliste : une bonne plume, de la culture générale, savoir très bien parler français et cette petite confiance qu’il a acquis au fil des années. Il allait entrer dans le grand bain du travail, de la vie d’adulte et des responsabilités. Avant cela, quelques fêtes s’imposaient quand même. Non pas une, ni deux, mais trois fêtes furent organisés entre les étudiants pour profiter de ces derniers instants d’insouciance. Bon vivant, James participa bien sûr aux trois, mais sans doute la dernière fut celle de trop. Deux heures du matin, émèché, le jeune homme se disait qu’il pouvait facilement marcher de Kensington à Chelsea pour rentrer chez lui. Puis il n’y avait personne dans les rues, il arriverait vite. Mais lorsqu’il traversa une nouvelle fois, James n’eut pas le réflexe de se dégager du chemin de l’automobile, cette dernière roulant un peu trop vite en agglomération.
Un choc. Un bref vol dans les airs. Puis une chute lourde sur fond de crissement de pneus avec démarrage en trombe et fuite lâche. L’accident fut bref, mais intense et violent.
Le réveil fut brutal, dans un inconfortable lit d'hôpital. Allongé sur des draps blancs, le jeune homme ouvrit péniblement les yeux, une vague de douleur lui envahit le corps entier, et il ne put retenir un râle de mal être. Puis ses yeux s’habituèrent à la lumière, et quatre têtes rousses se tenaient à son chevet : l’une lui tenant la main, l’autre au pied du lit, une à la fenêtre et l’autre sur le fauteuil à somnoler. Les quatre femmes de sa vie se trouvaient dans la pièce, et de l’abattement, elles passèrent au soulagement de voir leur petit homme - bien qu’il ait vingt cinq ans - enfin se réveiller. Il voulut se relever mais la douleur le lançait de partout. Sa mère se leva de son fauteuil et le calma.
« Tu as eu un accident, les médecins ont dit que tu ne devais pas trop bouger. Oh mon Jamie, nous avons eu si peur pour toi … » Et elle essuya une larme.
Il sortit de l’hôpital la semaine d’après, dans un fauteuil. Situation provisoire disaient les médecins, d’ici quelques jours il remarchera. James ne se laissait pas abattre, et essaya de se remettre sur ses jambes quelques jours après son retour à la maison. Sa meilleure aide fut la jeune Georgiana, toujours pleine d’entrain, à le soutenir, le relever, l’encourager dans ses tentatives. Si la marche revint assez facilement, le jeune homme continuait de boiter. Et les médecins n’ont jamais réussi à le guérir de cela. Soit disant une mauvaise cicatrisation, mais James avait des accès de douleur qui ne le quittèrent plus jamais. Même encore aujourd’hui, il dépend beaucoup de la morphine pour calmer son colocataire de mal.
Cela ne l’a pas empêché de travailler, bien au contraire ! Pigiste pour The Guardian et The Times, il alimentait les chroniques littéraires mais aussi les faits divers. Cela ne payait pas beaucoup, cela se faisait à la page, mais d’avoir son nom sous trois paragraphes, quel bonheur ! Le début de la gloire, sans doute.
Mais en septembre, une question grave survint : qui allait chercher Alfred à la sortie de prison. Apparemment, il fallait absolument quelqu’un. Autour de la table, Caroline, Anne, James et leur mère Maud se regardaient en chien de faïence, à qui cédera. Les deux soeurs s’étaient rendues plusieurs fois au parloir pour voir leur père, mais les visites s’étaient espacées avec les mois, et finalement, ils n’y sont plus allées qu’à Noël.
« Anne et moi, nous y sommes assez allées. J’ai autre chose à faire, je travaille et j’ai mon petit à m’occuper. Commença Caroline, sèchement. Je travaille aussi, je dois partir la semaine prochaine pour Athènes ! Lança Anne, presque prétentieuse. Il est hors de question que je revois cet escroc. Répondit Maud avec dégoût. Ce n’est plus mon père, répliqua James en croisant les bras. Et moi ? »
Georgiana, dans l’encadrement de la porte, les poings sur les hanches, ne semblait pas apprécier cette réunion de famille sans sa présence, surtout quand on parlait d’Alfred. Tout le monde la regarda, et se mit à rire.
« Voyons ma chérie, il faut une personne responsable ! Tu n’as que vingt deux ans, jamais ils ne te le confieront ! Et pourquoi ils le donneraient à James ? Parce que c’est un homme … »
Sexiste, mais juste. James n’avait pas un travail glorieux, ni une situation familiale, mais par son sexe, il avait toutes les entrées qu’il voulait. De rage, Georgiana claqua la porte derrière elle. Il fallait à présent trancher de manière équitable : à courte paille. Et comme de malchance, la plus courte se retrouva dans la main d’un James blasé, à qui on aurait confié le soin de tuer un nourrisson qu’il se serait montré plus enthousiaste.
Et c’est donc le fringant jeune homme, accompagné de sa canne, devant la prison de Maidstone, dans le Kent, qu’il attendait son père. Il ne l’avait pas vu depuis le procès, avait ignoré les courriers, les messages transmis par ses soeurs, et aujourd’hui, ils allaient partager la même voiture jusqu’à Londres. Le grand étonnement, quand la porte s’ouvrit, c’était de voir qu’Alfred n’avait pas changé : toujours le sourire, sa moustache, une élégance rare et une aisance tout terrain. Il salua les gardes comme on salue des vieux amis et prit son fils dans ses bras, tout à fait normalement. Quand ils montèrent dans la voiture avec chauffeur que James avait du louer, le père s’étonna :
« Tu ne conduis pas ? En ce moment, ce n’est pas trop mon truc. Ah, les jeunes, vous aimez vous faire dorloter. »
Le fils leva les yeux au ciel, si son père ne remarquait même pas la canne, il y avait un problème. Tout le long du trajet, ce fut un long monologue sur la prison, comment s’en sortir en milieu carcéral, … à l’écouter, on penserait qu’il a passé un long séjour dans les îles, rien ne l’ébranlait.
« Et où tu vas vivre ? La maison t’es fermée. Oh ne t’en fais pas, un ami m’a laissé une chambre dans son hôtel. Lequel ? Le Claridge’s bien sûr. »
Il soupira, quelle folie des grandeurs ! En même temps, avec la fortune qu’il avait amassé, il pouvait passer le reste des ses jours dans un hôtel de luxe ! Quelle publicité cela allait faire à l’établissement. Au moins il comprenait qu’il ne reviendrait pas à la demeure familiale … Mais Alfred avait plus d’un tour dans son sac.
« Jamie, j’ai vu ton nom dans le Times, je dois dire que je suis très fier de toi. »
Cela cachait sans doute quelque chose, mais il fallait prendre les compliments, même du plus grand des arnaqueurs : si James ne pardonnait, il pouvait au moins dire merci.
The Royal Magazine, septembre 1938 Autopsie conjugale, un chef d’œuvre littéraire
Il est rare d'avoir un premier roman aussi travaillé. Autopsie conjugale raconte avec délicatesse les méandres d'un couple bourgeois de la Belle Époque. Un départ simple mais dont la plume de James Alistair a le don de vous transporter à l'époque des dentelles et des ombrelles d'un Paris perdu. On n'avait pas lu avec autant de ferveur un premier livre depuis Margaret Bradford !
« Oh mon dieu, il y a Margaret Bradford à la soirée ! Cette femme est tellement formidable ! Calmez vous James, on dirait une adolescente face à Clark Gable. Non mais cette femme a une plume divine. Ses romans et nouvelles sont merveilleusement travaillés, et pourtant elle a mon âge. C'est un modèle, je l'adore. Je vous la présente à la condition que vous vous calmiez. Après tout, c'est vous la star de la soirée. »
Joseph Montgomery, l'éditeur du premier roman de James, lui tapota sur l'épaule pour essayer de le calmer avant d'aller vers une jeune femme svelte et distinguée, au sourire délicat et au regard tendre. Si le jeune homme tentait de ne pas sautiller sur place, son cœur faisait boum. Lady Bradford était une romancière renommée, avec son style particulier qui avait envoûté chaque lecture de James, et il avait toujours rêvé de la rencontrer. Ce sera chose faite dans quelques instants, alors qu'il se sentait si gauche, son verre à la main, à essayer de paraître naturel. Elle s'avançait avec grâce, on aurait presque dit qu'elle flottait dans sa longue robe. Elle lui sourit en présentant sa main qu'il baisa avec autant de dévotion qu'il réprimait.
« Lady Bradford, je suis honoré … bafouilla t'il, fasciné. Et moi de même, monsieur Alistair. J'ai lu votre roman d'une traite. Ah ? Son avis comptait sans doute plus que le monde entier. Quelle douceur, et en même temps quelle force. On aurait pu croire que ce quotidien de couple pourrait paraître ennuyeux au premier abord mais vous donnez à ces êtres une telle profondeur, tant de sentiments contradictoires, tiraillés entre les convenances et leurs envies personnelles, c'est si … humain. Et n'oublions pas l'autre personnage clé. Lequel ? Paris ! Cette ville est omniprésente, un personnage à part entière. Y êtes vous allé ? J'y ai vécu une année durant mes études. J'ai aimé cette ville à la folie … Vous avez bon goût, monsieur Alistair. Que diriez vous de venir à l'un de mes salons un de ces jours ? Je serais ravie de vous compter parmi nous. Oh … avec joie, Lady Bradford … »
Après quelques politesses, la jeune femme s'en alla avec le sourire, laissant James sur un petit nuage. Non seulement il lui avait parlé, mais elle avait adoré son roman et l'invitait dans son cercle littéraire ! Un véritable rêve éveillé. Un peu comme toute cette soirée à dire vrai. Un événement centré sur lui, ce jeune auteur de vingt huit ans qui publiait son premier roman. Après de nombreuses tentatives infructueuses, de romans inachevés ou refusés, l'un d'entre eux avait passé les mailles du filet. Il avait mis tout son petit cœur dans ce roman, reprenant ses notes de Paris, passant des heures à faire des recherches, il avait même refait un voyage à Paris pour s'imprégner des lieux ! Et aujourd'hui, il devenait la coqueluche de la littérature. Journalistes, critiques et personnes à la mode le félicitait. Le voici à graviter dans un nouvel environnement, celui des mondanités. Depuis un an, il travaillait pour le Times, dans la rubrique littéraire et quelques articles de fond de temps en temps, et aujourd'hui son nom ferait vendre, il pourra écrire plus que trois paragraphes en page 12 tous les deux jours. Une nouvelle vie s'ouvrait à lui, mais jamais tout seul. Dans cette pièce, plusieurs personnes de sa vie se trouvaient là : sa famille tout d'abord, Anne revenait de voyage avec son désormais fiancé, exprès pour la fête. Caroline, enceinte jusqu'aux yeux, n'avait voulu rater ça pour rien au monde. Sa mère bavardait avec du beau monde, et Isidore … oh Isi lui lançait un regard implorant de venir. A y regarder, il se trouvait en compagnie d'Alfred, le père de James et Liliane Hood, sa mère. James s'avança prudemment vers ce drôle de trio et salua Liliane avec un petit sourire.
« Oh James, ce roman est superbe. Le Paris d'avant-guerre, cette petite pépite de vie et de bonheur. Chère Liliane, comme vous avez raison. Ca me rappelle cet après midi où nous avons déjeuner aux Tuileries. Il lui fit un petit sourire pendant qu'elle gloussait. Les deux amis (et plus) se regardèrent dégoûté et Isidore parla à l'oreille de son ami. Je vais faire des cauchemars si je l'entends encore glousser. Allons boire. Idée du siècle. »
Et ils s’éclipsèrent vers le buffet, laissant les deux à parler et rire, en parlant du bon vieux temps. James ne voulait même pas savoir comment ils se sont connus, ce qu'il s'est passé … Et préféra oublier avec un bon champagne. Depuis sa sortie de prison, Alfred Alistait vivait toujours au Claridge's, aidait à faire venir de la clientèle, et cherchait à tout prix à rentrer dans les bonnes grâces de la famille, par des cadeaux, des restaurants … Une chose était sûre : il était meilleur grand-père que père ! Peut être n'était-il pas totalement mauvais. Et ce n'était pas sa garçonnière à SoHo que son père lui avait offert qui lui faisait penser cela. Ou un peu. Bon d'accord, il s'était laissé acheter, mais parce que la demeure familiale l'oppressait, ses sœurs voulaient à tout prix le mettre en couple, lui reprochaient de ne pas leur présenter de fille, ou alors que celles ci ne tenaient pas la route. Trop grande pression qui avait besoin de se réfugier dans son logement cosy de temps à autre. Mais à dire vrai, il préférait écrire dans sa chambre, c'était là où il trouvait le plus d'inspiration.
Joseph Montgomery vint chercher James pour le présenter à un présentateur radio qui le voulait dans son émission. La valse des mondanités lui plaisait, être mis en avant pour son talent, et un peu sa belle gueule aussi, il fallait bien l'avouer, c'était une vie qui lui convenait ! En espérant qu'elle dure !
The Times, 2 août 1940 Visite de la base navale de Portsmouth
Remercions ces valeureuses personnes en uniforme, homme comme femme, dans leur combat pour protéger notre nation, au péril de leurs vies. Qu'ils soient pilotes, marins, mécaniciens, télégraphistes ou même à la cantine, ils participent à l'effort quotidien. Ne l'oublions jamais.
La belle vie n'avait pas duré. La montée du nazisme, la fuite des populations juives, des opposants politiques et puis cette déclaration de guerre. Peu à peu, James avait vu son entourage revêtir un uniforme. Le mari d'Anne, Peter, s'était engagé dans la British Army, la plupart de ses collègues masculins avaient déserté les locaux du Times … Il n'y avait que lui, avec son infirmité à la jambe qui restait à sa place immuable. Même Georgiana s'était engagée ! Cette petite n'écoutait rien, une impulsion qu'elle avait suivi tout simplement. Caroline s'engagea dans le WVS aussi. La guerre transformait petit à petit le quotidien, la balade des uniformes devenait normal, les réfugiés aussi, tout comme le rationnement. Sauf que James avait des besoins particuliers, en médicament. Sa jambe lui lançait encore souvent, et il avait réussi à trouver un médecin assez compatissant et facile à payer, docteur O'Neill. Mais quand ce dernier lui refusa de lui en donner il y a une semaine, James crut devenir fou à cause de la douleur. Il ne disait rien, montrait peu, mais il avait besoin de sa dose pour se soulager. Alors il s'était tourné vers l'unique personne qui pouvait l'aider : Alfred.
Ce dernier avait ressorti son uniforme de la Première Guerre, gage de patriotisme et sans doute pour bien paraître. Car il ne s'était pas rangé des affaires, maintenant il se lançait dans le marché noir ! D'où sortait ces produits ? James ne voulait même pas le savoir, mais il était le seul qui pouvait lui procurer de la morphine. Manque de pot, il n'avait pas cela mais il avait assez de matériel médical et de médicaments pour l'échange. Le deal fut approuvé par le jeune médecin, même si son éthique devait désapprouver. James, quant à lui, se sentait comme un junkie.
Dans son petit monde, le jeune homme avait bien du mal à pondre un deuxième roman. Il avait des idées à revendre, mais comme toujours, il semblait incapable de terminer un roman de manière satisfaisante. Tantôt il partait sur un roman à la cour de la reine Victoria, avant de préférer le cadre d'une maison close parisienne, ou pourquoi pas sous Charles II d'Angleterre. Puis il avait envie de contemporain, avec des militaires en uniforme qui se battent pour leur pays, pour la liberté. Et cette versatilité semblait amusé des personnes de son entourage, comme Andrew Malow qui s'amusait à trouver des sujets les plus rocambolesques, juste pour l'emmerder. Heureusement qu'il y avait Margaret … Oui maintenant, il l'appelait par son prénom, même s'il continuait de la vouvoyer. Devenu un habitué de ses cercles littéraires, elle avait voulu l'aider dans la rédaction du second ouvrage, le plus difficile selon elle. Mais maintenant que son époux est décédé à la bataille de Dunkerque, la pauvre femme semble des plus démunies. James se faisait un devoir d'aller lui rendre visite, essayer de lui changer les idées, ou alors l'écouter si elle voulait parler.
Il n'y avait pas que lord Bradford qui perdit la vie au combat. Peter, le mari d'Anne, ne s'en sortit pas non plus. Ils s'étaient mariés début 1939 et la voici veuve après une année de mariage. A cause de leurs voyages, Peter était archéologue comme elle, ils vivaient dans la demeure familiale les fois où ils revenaient à Londres, et à présent, le jeune veuve avait du mal à quitter cette pièce où respirait encore des souvenirs du défunt. On pense que cela n'arrive qu'aux autres mais les malheurs touchent toutes les familles. Certains profitent aussi du malheur : Alfred, toujours là, s'incrustait de plus en plus souvent pour venir réconforter sa fille, mais aussi parce qu'on ne pouvait pas le virer alors qu'il apportait le dîner. Merci le marché noir avec du vin, du fromage ou de la viande. Il se ferait prendre un jour ou l'autre, et on ne pouvait pas dire non à une période de rationnement. Petit à petit, il réintégrait le domicile, le filou.
Le seul point positif, c'était le retour de Margot. L'américaine avait percé et peu avant la guerre, elle avait posé ses valises à Londres. James l'avait logé dans son petit appartement, ce qui avait fait jaser. Lui, vivre avec une fille sous le même toit ? Cela sentait l'amourette. Pas du tout à dire vrai, mais cela arrangeait le jeune homme d'avoir de telles rumeurs. Le journaliste et la photographe partaient souvent ensemble pour des reportages. Lui écrivait des articles, légèrement de propagande, sur le travail des militaires, et elle prenait les photos. Et à la fin de leur journée, les mondanités les amenait à apparaître ensemble. Car la vie ne s'arrêtait pas totalement à Londres, elle ne s'arrêtait même jamais …