« I'D LOVE TO CHANGE THE WORLD » - Vivian Avery

Depuis son début, la guerre a-t-elle affecté ta vie directement ?

Oui, à tous points de vue - d'un côté strictement matériel, l'été 1940 est le premier été depuis que j'ai commencé mes études où je n'ai quitté ni la Grande-Bretagne, ni l'Angleterre, en fait c'est à peine si j'ai quitté l'enceinte de Londres. Et croyez-moi, c'est déjà un événement en soi. D'autant que le travail qui est devenu mien depuis qu'a éclaté le conflit est en réalité assez éloigné du métier de cartographe auquel je me destinais... Ou tout au moins n'était-ce pas ainsi que je concevais le métier de cartographe !
Mais de façon plus large, oui la guerre a affecté ma vie directement, elle a affecté la vie de toute l'Europe, et même mieux : elle a directement affecté l'Europe entière. Hormis peut-être les suisses ou les suédois, qui aujourd'hui peut se targuer d'être indifférent à ce qui ce joue dehors ? Que les américains entrent en guerre à leur tour et le conflit deviendra vraiment mondial - mais d'une certaine manière, il l'est déjà. Je croise à Londres des soldats venus de tout le Commonwealth, et de France, et des pays annexés par l'Axe. Je vis dans un monde profondément affecté par la guerre qui s'y joue, j'ai une conscience comme (presque !) le tout-un-chacun. Alors oui, la guerre a affecté directement ma vie.

Es-tu pour la victoire de la Grande Bretagne, ou préfèrerais-tu voir ce conflit s'arrêter au plus vite, avant qu'il ne s'aggrave, quitte à voir la Grande Bretagne y perdre beaucoup ?

Soyons clairs : je n'ai aucun réel engagement politique, mais mon cœur et mes convictions penchent du côté des travaillistes. Nombreux sont les reproches que je pourrais adresser à Churchill, notre Premier ministre. Mais en ce moment précis, le parti dont je me sens encore le plus proche me déçoit, et je dois bien avouer que c'est la politique de Churchill que je soutiens - et que je continuerais à soutenir. Je veux la victoire de la Grande-Bretagne, une victoire écrasante et définitive, quitte à ce que la guerre dure encore un siècle, tant que je serais de ce monde, je ferais mon possible pour obtenir cette victoire, y compris espérer voir le conflit se prolonger. Et je refuse de mourir avant d'avoir assisté à l'agonie du IIIème Reich. J'ai vu ce qu'il était, ce Reich de mille ans, avant que n'éclate la guerre. J'ai vu quel sort était réservé aux juifs de Berlin et de Vienne, aux communistes, aux opposants politiques de tous bords. Je sais ce que j'ai vu, et je sais que je ne pourrais jamais l'oublier. Le nazisme est une abomination, son Empire une horreur sanglante. Je ne peux vivre dans un monde gangrené par leur effrayante machine de terreur - et je me fiche bien de qui sont mes alliés, je vois mon ennemi, et pour l'abattre, j’emploierais toutes mes forces. Même si la guerre doit durer cent ans, elle durera le temps qu'il faudra, jusqu'à ce que tout drapeau à croix gammée ait disparu des dômes du Reichstag.

Quel est ton but dans la vie? Pourquoi es-tu à Londres ?

Je suis à Londres parce-que mon travail m'y oblige, et mon but dans la vie est à présent d’œuvrer pour que la Grande-Bretagne sorte gagnante de ce conflit. Depuis que j'ai intégré le SOE, c'est ma mission première - tant que durera la guerre, ce sera mon but premier. Avant que n'éclate cette guerre, cela dit, j'avais un autre but : voir et revoir tous les pays de la planète, les cartographier les uns après les autres, ne pas mourir sans avoir vu de mes yeux l'ensemble des paysages du monde. C'était mon but, et ça le redeviendra sans doute un jour. Si je survis au conflit, si la Grande-Bretagne l'emporte, si je vis assez longtemps pour voir la guerre se terminer, si tout cela est possible alors mon but passé redeviendra mon but présent. Mais avec des 'si', nous pourrions refaire le monde, n'est-ce pas... ? J'ai mis mon but entre parenthèses, j'y repense parfois pour me donner les miettes de courage que Londres ne me donne pas déjà, et je poursuis ma mission. Le reste viendra après.